Lugos, plus petite commune de l’arrondissement, compte parmi sa population un administré qui vient de fêter ses 107 ans. Jean-Paul Salefran, né le 1er décembre 1911, n’est pas n’importe qui dans la commune. Il a été soldat et résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi maire et patron d’une scierie. Retour sur plus d’un siècle de vie et d’histoire.
Son père, Louis Salefran, était exploitant forestier et propriétaire d’une scierie qui fabriquait du parquet, des coffrets et caisses pour le vin, le poisson… Sa mère, Élise, élevait les trois enfants, Jean-Paul, Henri et Antoinette.
À 12 ans, Jean-Paul poursuit sa scolarité au collège Grand-Lebrun à Bordeaux. Baccalauréat en poche, il part en Angleterre, à Cardiff, travailler quelques mois dans une mine à charbon. L’année suivante, il se retrouve à Barcelone. L’année suivante, il devance l’appel et se retrouve en Tunisie pendant un an. De retour en France, il est envoyé à l’école de Saumur, d’où il sort sous-lieutenant.
Après le service, il revient à Lugos travailler avec son père. Il se marie en 1935, dans les Vosges, d’où est originaire Bernadette, une amie de sa sœur. Ils resteront mariés 72 années.
Au lendemain de la guerre (lire ci-dessous), le 16 août 1945, un terrible incendie ravage la forêt de la région. « C’était une énorme catastrophe ! Il a fallu faire face. » Silence. « Les conséquences économiques ont été terribles. Ça a tué mon père ! Il n’y avait plus de bois. Ou très peu. On a eu du mal à donner du travail aux gens du pays. L’usine a tourné au ralenti. J’ai dû aller travailler à Bordeaux dans une société qui exportait du bois de mines. »
En 1959, à 48 ans, Jean-Paul Salefran est élu maire de Lugos. Comme son père Louis, son grand-père et son arrière-grand-père. Il fera trois mandats. « Les maires, à cette époque, étaient très libres, avec beaucoup de pouvoir. » Il rend hommage à Mme Baleste, « une secrétaire de mairie extraordinaire », décédée à 100 ans. « J’ai voulu mettre en place des infrastructures pour que Lugos garde son aspect rural. J’ai créé des routes, des pistes, programmé une « rocade » tout autour du village. » Le château d’eau, c’est encore lui, comme le lotissement de la Gare de Lugos pour « densifier la population ».
Jean-Paul Salefran a quatre enfants (Marie-Odile, Anne-Marie, Daniel et Michel), 22 petits-enfants, 97 arrières petits-enfants et deux arrières-arrières petits-enfants, éparpillés dans le monde entier. Son épouse Bernadette est décédée à 94 ans.
Aujourd’hui, À 107 ans, s’il se déplace avec un déambulateur, l’ex-maire assure que sa tête est « toujours là, comme si j’avais 20 ans ».
L’homme porte un regard lucide, voire critique, sur la société d’aujourd’hui : « Le monde a beaucoup changé. J’ai vécu dans un temps, où il n’y avait ni plastique, ni sécurité sociale, retraite, peu de voitures non plus ni d’électricité ou d’eau courante. Tout est arrivé peu à peu. Mais le changement qui m’a le plus marqué, c’est le développement d’Internet qui a transformé le monde. Aujourd’hui, tout le monde sait tout sur nous. La liberté, c’est fini ! Avant on connaissait son voisin, aujourd’hui on connaît le monde entier, mais plus son voisin. »
Il y a quelques jours, les enfants du conseil municipal lui ont rendu une petite visite. Intimidés, Soa Provost, Romane Bonnely, Léonie Tanchoux, Ocelie Pichelin et Liam Cailheton, lui ont parlé de leurs projets : parcours de santé, boîtes à livres, médiathèque, dos-d’âne…